À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de contexte…

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Gnus
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par Gnus »

PBranche a écrit ::merci: et respect :) quel post Gagl, en plus des découvertes pour les oreilles on découvre plein d'histoire sympa.
+ 1
C'est d'autant plus remarquable que le choix du pianiste (que je connais bien au sens musical) est une sacrée pointure...
Inception fait partie de mes top 5 de Jazz.
Merci encore Gagl.

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troubadour

Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par troubadour »

merci pour Aaron Parks, c'est superbe !

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Emmanuel
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par Emmanuel »

<:) merci.
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Gagl
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par Gagl »

Merci, encore, pour vos encouragements... :merci: :)

Pour la peine, voici un nouveau post tout frais, garanti sans additifs, sans conservateurs et sans copier-coller… :mrgreen: Et il sera consacré à un batteur, cette fois : Max Roach, qui est aussi une figure emblématique du jazz au XXe siècle.
Ce sera aussi l'occasion de rappeler certains disques évoqués dans d'autres filières de ce sous-forum…

Je partirai d'un maître disque déjà cité du grand Max : Drums Unlimited (Atlantic LP 1467, mono ; SD 1467, stéréo, 1966)

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Pourquoi ce disque ? D'abord parce que, subjectivement, je l'apprécie énormément. Ensuite, car il montre la façon toute personnelle dont Max Roach intègre et interprète l'avant-garde en pleine efflorescence dans les années 1965-1966, lors de l'enregistrement de ces sessions. C'est, par ailleurs, un disque d'une grande originalité formelle et musicale. Et puis, il sonne magnifiquement, même en CD.
Cet enregistrement se place dans la première moitié d'un carrière discographique qui pourtant compte déjà la très grande majorité de ses enregistrements (qui se poursuivent jusqu'à l'année 2002) puisqu'elle commence en décembre 1943 avec deux titres enregistrés avec l'un des maîtres du ténor, Coleman Hawkins (The Big Sound, Brunswick BL 54016). Max Roach n'a alors pas 20 ans.

Mais revenons au commencement.
Maxwell Lemuel Roach a vu le jour à Newtown (Caroline du Nord) le 10 janvier 1924 (certaines sources le font naître un an plus tard) au sein d'une famille dans laquelle la musique tient une place importante : sa mère, Cressie, est chanteuse de gospel. Il a quatre ans lorsque sa famille s'établit à New York, près de Brooklyn.
Très tôt, Max s'initie d'abord au bugle (et sans doute au piano) et joue dans un orchestre de parade, puis commence l'apprentissage des percussions. Dès l'âge de 10 ans, au milieu des années 1930, il tient la batterie dans des groupes de gospel. Mais Max a soif d'apprendre et d'entendre de la musique. Il fréquente ainsi l'Appollo où il entend nombre des big bands le samedi, et goûte par ailleurs à la musique symphonique en assistant à des concerts donnés près de chez lui le dimanche.
L'école lui donne aussi l'occasion de pratiquer et d'apprendre la musique puis d'y recevoir sa première formation solide (qu'il complètera, selon certaines sources, par une formation à la percussion classique et à la composition à la Manhattan School of Music entre 1950 et 1953, alors qu'il est un musicien professionnel reconnu et déjà extrêmement actif).
Autrement dit, Max Roach est un musicien à la vocation précoce et à l'esprit ouvert, profondément new-yorkais quant à sa genèse et à sa formation.

En s'intéressant à Max Roach, on évoque nécessairement quelques décennies de l'histoire du jazz dans ce qu'elle a de plus intéressant, c'est-à-dire celle d'une musique en perpétuelle évolution (je le disais ailleurs), en renouvellement permanent ; parallèlement, on évoque aussi nécessairement quelques-uns les musiciens les plus importants du jazz, créateurs, inventeurs de sa forme moderne : le be-bop de la East Coast.
Ainsi, dès 1942, année charnière du démarrage de sa carrière, Max Roach fréquente un lieu déterminant pour le jazz dans lequel bouillonne une créativité sans pareille, « the place to be » en quelque sorte : le creuset des clubs des 52e et 78e rues de New York. C'est là, en effet, que s'élabore, que se forge le be-bop, le jazz moderne, celui des décennies à venir.
Et Max reçoit en plus un coup de pouce du destin, comme cela arrive parfois dans la vie des grands artistes : cette année 1942, il remplace au pied levé Sonny Greer, le batteur attitré du big band de Duke Ellington, rien que cela. Et quelques temps plus tard, il remplace dans des conditions similaires le batteur de Count Basie. On peut imaginer pire début dans la vie d'un apprenti batteur !
Durant cette même période, Charlie Parker, le plus grand de tous les altistes, Dizzy Gillespie, et Bud Powell, le plus be-bop de tous les pianistes (et pour cause), notamment, font en effet éclater le cadre de ce qu'on appelle le straight jazz, ou mainstream jazz. Et Roach est évidemment aux premières loges pour expérimenter de nouvelles façons de jouer et de concevoir la musique qu'il affectionne. En 1943 et 1944, il joue notamment avec Coleman Hawkins et Lester Young tandis qu'il croise aussi dans ces clubs des musiciens tels que le tout jeune Miles Davis, Charles Mingus, Thelonious Monk, et d'autres moins connus.
Bref, écouter Max Roach c'est aussi, dès le début, écouter les plus grands musiciens de son temps.
Ainsi débute la carrière de Max Roach, précurseur à plus d'un titre.
En 1944, il est engagé par Dizzy Gillespie puis par Charlie Parker (à partir de 1945), donnant lieu à des enregistrements devenus historiques par leur modernité (sur le label Savoy, en 1945). Une tournée avec l'orchestre de Benny Carter, puis les sessions s'enchaînent à un rythme invraisemblable. Il suffit de citer les enregistrements réalisés avec Dexter Gordon, Coleman Hawkins (1946), puis Bud Powell (à partir de 1947), puis Miles Davis (à partir de 1948).

Trois sessions des débuts – cependant historiques en ce qu'elles illustrent parfaitement ce que devient le jazz au milieu des années 1940 – choisies parmi de très nombreuses autres : on ne compte pas moins de 36 sessions enregistrées, rien que pour l'année 1949 !

Charlie Parker, The Savoy Recordings (Master Takes) [1945] :
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Dexter Gordon, The Savoy Recordings, Master Takes (1946) :
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Miles Davis, Birth of the Cool (Capitol T 792, 1949) :
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Quel que soit l'aspect de la vie musicale de Max Roach que l'on scrute, celui-ci apparaît avant tout comme un créateur, un musicien d'innovation décisive dès le début et qui toujours refusera l'auto-répétition.
Comme batteur d'abord, dans la première moitié des années 1940, il révolutionne la batterie, avec son illustre devancier de 10 ans son aîné, Kenny Clarke, en donnant à la cymbale ride (celle qui sert à donner la pulsation rythmique de base, à marquer le tempo) le premier rôle dans l'accompagnement (rôle que tenait précédemment la grosse caisse chez les batteurs des orchestres des années 1930), ce qui a pour effet immédiat un allègement de la texture rythmique et une pulsation irrésistible en jouant le fameux « chabada » qui caractérisera la batterie jazz jusqu'à aujourd'hui. Et cela contribue à donner une grande lisibilité à son jeu en même temps que de permettre le développement d'une magnifique polyrythmie, dont il est le créateur, en donnant aux caisses un rôle de ponctuation et d'accentuation sans précédent. Les différentes cymbales qui composent un set gagnent beaucoup de liberté dans leur utilisation (le charleston, en particulier) et apportent couleurs et richesse au jeu de batterie. Les musiciens avec lesquels il joue trouvent ainsi un espace supplémentaire pour développer leurs lignes mélodiques.
Ajoutons aussi qu'il est un formidable soliste capable de superposer motifs rythmiques (à la charleston et à la ride) et phrasés d'indépendance sur la caisse claire et les toms, aboutissant à des constructions riches et complexes, toujours fabuleusement swing (son travail à la caisse claire est exemplaire). N'oublions pas, enfin, son goût pour les percussions en général, et la percussion classique en particulier par l'adjonction alors inusitée de timbales dans certains de ses enregistrements (Brilliant Corners de Thelonious Monk, The Many Sides of Max, Out Front, ou encore Drums Unilimited, je reviendrai plus loin sur ces albums).
Bref, il fait de la batterie (et de la percussion) un instrument de musique à part entière en en exploitant tout le potentiel et en ayant assimilé le travail de pionnier initié par Kenny Clarke, Jo Jones, Sid Catlett.
La batterie cesse alors d'être cantonnée au rôle de simple outil d'accompagnement quelque peu figé.
Ainsi, écouter Drums Unlimited laisse percevoir sans effort le caractère musical et créatif de la batterie de Max, le sens de la construction de ses solos et l'originalité de son talent de compositeur : les trois « solos » du disque (« The Drums Also Waltzes », « Drums Unlimited » et « For Big Sid ») sont des compositions à part entière, de véritables pièces pour batterie seule.

Comme sideman, ensuite : Max Roach est homme de collaborations fructueuses. Elles sont innombrables… Il y montre néanmoins à quel point, au fil des séances, il sait apporter beaucoup aux enregistrements auxquels il participe, ajoutant sa touche inimitable, et ce dans des contextes musicaux très divers.

Dès le début des années 1950, la renommée de Max Roach est déjà grande, il a déjà beaucoup travaillé et enregistré, il continue ainsi sur sa lancée en enregistrant avec Charlie Parker et Bud Powell, entre autres.

Bud Powell, The Amazing Bud Powell, volume 1 (Blue Note, BLP 1503, 1951) :
Image

Citons encore quelques perles enregistrées dans la seconde moitié des années 1950 avec des musiciens d'exceptions, parmi les plus novateurs de leur temps.

Avec Sonny Rollins, avec lequel Max Roach partage visiblement de fortes affinités, quelques faces d'anthologie nées d'une superbe complicité musicale qui atteint son apogée en 1956 (une bonne quinzaine de sessions les réunissent) :

Sonny Rollins plus 4 (Prestige, PRLP 7038)
Image

Saxophone Colossus (Prestige PRLP 7079)
Image

Volume 1 (Blue Note BLP 1542), avec sa fameuse pochette à l'envers :
Image

… Et se poursuit d'ailleurs en 1958 :
Freedom Suite (Prestige, PRLP 12-258)
Image
Évoqué dans le sous-forum Musique

Avec Thelonious Monk, le plus inclassable et atypique des pianistes auquel Roach apporte son approche rythmique si riche et sa science d'accompagnateur mise au service d'une musique si personnelle.

Dès 1952 :
Genius of Modern Music, Vol. 2 (Blue Note BLP 1511)
Image

Thelonious Monk Trio (Prestige, PRLP 7027)
Image

En 1956, pour l'un des grand disque de Monk, secondé par un Sonny Rollins terrible :
Brilliant Corners (Riverside RLP 12-226, 1956)
Image
Évoqué dans le sous-forum Musique

Avec Cannonball Adderley, celui qui est en passe de devenir l'un des plus brillant altiste de l'après Parker (qui meurt en mars 1955) :
Julian “Cannonball” Adderley (EmArcy MG 36043, 1955)
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Avec la chanteuse Dinah Washington, pour l'une de ses plus belles réussites :
Dinah Jams Featuring Dinah Washington (EmArcy MG 36000, 1954)
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Sans oublier un enregistrement d'anthologie, réellement stupéfiant, que l'on doit à la présence d'esprit et au magnétophone de Charles Mingus (la qualité sonore s'en ressent quelque peu), capté au Massey Hall de Toronto, le 15 mai 1953 (il existe de nombreuses édition de ce live, le premier LP paraît sur le label co-fondé par Mingus et Roach, Debut Records). Ce soir-là, « the Quintet », c'est Dizzy Gillespie (trompette), Charlie Parker (alto), Bud Powell (piano), Charles Mingus (basse) et Max Roach.

The Quintet – Jazz at Massey Hall (Debut DEB 124) :
Image

Quelques faces formidables enregistrées sur le label Blue Note (pas si nombreuses, d'ailleurs).

Avec le ténor « le plus rapide de l'ouest », Johnny Griffin :
Introducing Johnny Griffin (BLP 1533, 1956)
Image
Cité ici

Avec le trompettiste Thad Jones (frère du pianiste Hank Jones et du batteur Elvin Jones) :
The Magnificent Thad Jones (BLP 1527, 1956)
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Et puis, je ne peux oublier ce qui reste (pour moi) la plus exceptionnelle de ses nombreuses collaborations : Money Jungle, de Duke Ellington, avec Charles Mingus à la basse.
Il s'agit, je pense d'un disque un peu à part dans la vie musicale de Max Roach, l'un de ses rares disques en trio.

Image
Évoqué dans le sous-forum Musique

Enfin – et surtout – comme leader : Roach met à profit ses nombreux talents de musicien, de compositeur, et sa capacité à former et à diriger des formations successives qui comptent alors trois trompettistes formidables.

Ainsi avec Clifford Brown pour des enregistrements d'anthologie, tant le quintet formé et codirigé par Roach à cette époque semble évoquer la perfection en portant le hard-bop à son sommet. Dans sa composition définitive, on trouve, au sein de ce groupe, Max Roach, bien sur, George Morrow à la contrebasse, Richie Powell (le frère cadet de Bud, sans doute n'est-ce pas un hasard) au piano, Harold Land au ténor qui sera remplacé fin 1955 par Sonny Rollins, et l'éblouissant Clifford Brown à la trompette. Avec ce dernier, Roach forme un duo (leur deux noms figurent cote-à-cote sur les pochettes) que beaucoup considèrent (dont moi, certainement) comme difficilement surpassable.
À partir de 1954 et jusqu'en 1956, quelques enregistrements qui font date et à ne pas manquer.

Clifford Brown & Max Roach (EmArcy 36036, 1954-1955)
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Study in Brown (EmArcy MG 36037, 1955)
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Clifford Brown and Max Roach at Basin Street (EmArcy MG 36070, 1956)
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La mort simultanée de Clifford Brown et de Richie Powell le 26 juin 1956 dans un accident de voiture porte un rude coup à Max Roach dont le quintet est décimé et privé du complice musical qu'il avait trouvé en Brown. Roach, pourtant, ne tarde pas à reformer un autre quintet. Kenny Dorham y tient la trompette, et Sonny Rollins est au ténor :

Max Roach + 4 (EmArcy 36098, 1956)
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Jazz in 3/4 Times (EmArcy MG 36108, SR 80002, 1956-1957)
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Puis vient le temps de la collaboration avec le jeune prodige Booker Little qui remplace Kenny Dorham à la trompette et semble même capable de proposer une alternative à la magie de Clifford Brown, ainsi que George Coleman au ténor, pour un quintet novateur dans sa forme, puisque le plus souvent sans piano (le tuba de Ray Draper apporte une coloration intéressante).

Deeds, not Words (Riverside RLP 12-280, 1958)
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Max Roach + 4 at Newport (EmArcy MG 36140, 1958)
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The many Sides of Max (Mercury MG 20911, 1959)
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Évoqué dans le sous-forum Musique

Bien entendu (ce serait trop simple), Max Roach mène aussi des projets personnels en dehors du quintet qu'il dirige, enregistrant notamment avec les frères Turrentine : Stanley, le ténor suave et puissant, et Tommy, excellent trompettiste relativement méconnu.

Si Max Roach est donc un pilier incontournable de l'histoire du jazz, il traverse aussi les luttes et les espoirs de son temps, et particulièrement celles relatives à la situation sociales de ses compatriotes Noirs, si prenantes dans les années 1960. Max Roach est aussi un homme et un musicien engagé.
En novembre 1960, John Fitzgerald Kennedy avait été élu à la maison Blanche en portant avec lui les espoirs de changement de la jeune génération et la volonté affirmée d'émancipation de la communauté noire qui comptait beaucoup sur le nouveau président pour faire avancer significativement ses droits alors en devenir. Rappelons que le Civil Rights Act, qui accordait aux Noirs des droits de citoyens équivalents à ceux des Blancs en interdisant toute forme de discrimination, sera signé par le président Johnson en juillet 1964. Il sera suivi par le Voting Rights Act en 1965. Ces textes s'inscrivent dans le prolongement du mouvement pour les droits civiques et à la suite des actions menées par les comités estudiantins dont le Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC) et des émeutes raciales de plus en plus fréquentes à partir de 1962.
Max Roach déclare d'ailleurs, dès 1961, qu'il ne jouera plus rien qui n'ait une signification sociale. En épousant la chanteuse Abbey Lincoln, il donne corps à ses aspirations en mettant la voix d'Abbey au service de textes et de compasitions socialement très engagés quant aux luttes des Noirs. De tout cela, la musique de Max s'en fera l'écho dès 1960 avec, notamment, ces deux enregistrements :

Max Roach's Freedom Now Suite - We Insist! (Candid CJM 8002)
Image

Jazz Artists Guild, Newport Rebels (Candid CJM 8022)
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En 1961 :
Abbey Lincoln, Straight Ahead (Candid CJM 8015)
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Un enregistrement formidable (17 mars et 4 avril 1961) avec son partenaire Booker Little dont je disais un mot ici, Out Front (Candid CJM 8027) :
Image

En février 1962, se sera l'album It's Time (Impulse! A 16) qui prolonge We Insist! quant à l'engagement politique dont il fait preuve durant cette période, puis en octobre de cette même année, il enregistre, toujours dans la même veine, Speak, Brother, Speak! (Fantasy LP 6007) au Jazz Workshop de San Francisco.


Il est temps maintenant d'en revenir, après ce long parcours, à Drums Unlimited dont je parlais en commençant de post.
D'une certaine façon, ce disque clôt un long cycle d'enregistrements mené à un rythme effréné depuis le milieu des années 1940. Désormais, Max Roach enregistre moins.
Album de la maturité (Max a presque 42 ans), il est enregistré de main de maître par le trio maison du label Atlantic Tom Dowd, Phil Iele et Robert Wright les 14 et 20 octobre 1965 et le 26 avril 1966. Toutefois, ce disque n'est en rien le testament d'un vieux lion. Tout au contraire, Max Roach y démontre sa sensibilité toujours vive à l'invention, sa capacité à innover, et bien entendu, son approche formidablement musicale de son instrument de prédilection.
Finalement, cette session fait la synthèse de tous éléments évoqués ci-dessus : son art de compositeur, son talent novateur de percussionniste, son goût pour l'exploration de formes musicales nouvelles et diverses.
Autour de lui, Freddie Hubbard à la trompette, Roland Alexander au soprano, James Spaulding, talentueux musicien de la jeune avant-garde à l'alto, Ronnie Matthews au piano et Jymie Merritt, le bassiste de longue date des Jazz Messengers…


Discographie exhaustive, de 1943 à 2002 :
http://www.jazzdisco.org/max-roach/catalog/album-index/

Drums Unlimited sur YouTube :


Les différentes versions :
http://www.discogs.com/Max-Roach-Drums- ... ter/259324



Ce post est, certes, un peu long, :happy1: mais ce n'est pourtant qu'un rapide survol de la vie musicale du grand Max... 8| et puis, il y a des images… :mrgreen:

:)
Modifié en dernier par Gagl le 24 déc. 2012, 00:48, modifié 3 fois.
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Emmanuel
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par Emmanuel »

Ce post est, certes, un peu long, mais ce n'est pourtant qu'un rapide survol de la vie musicale du grand Max
Max Roach est peut-être le meilleur batteur de tous les temps. (et je ne souhaite pas ouvrir de débat).
Merci. <:)
Emmanuel
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nunusk
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par nunusk »

J'avoue ne pas avoir pris (encore) le temps de tout lire mais je suis censé bosser :rouge:

Une des mauvaises raisons qui me donnent envie de me "mettre" au jazz est la qualité des pochettes !!

Que ce soit au niveau graphique ou des photographies, certaines sont tout simplement magnifiques ! Et j'y suis très sensible. Rien que pour ça, faudrait que je me dégote un platine digne de ce nom !!! Ah ah ah !! ::d

En tout cas, bravo à toi pour ce beau travail pédagogique, très instructif pour les ignorants dont je suis :merci:
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philhifi
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par philhifi »

nunusk a écrit :J'avoue ne pas avoir pris (encore) le temps de tout lire mais je suis censé bosser :rouge:
Moi aussi , je me le garde pour ce soir , à tête reposée !!! ;)
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par HyperHD »

Gagl a écrit : Quel que soit l'aspect de la vie musicale de Max Roach que l'on scrute, celui-ci apparaît avant tout comme un créateur, un musicien d'innovation décisive dès le début et qui toujours refusera l'auto-répétition.
Comme batteur d'abord, dans la première moitié des années 1940, il révolutionne la batterie, avec son illustre devancier de 10 ans son aîné, Kenny Clarke, en donnant à la cymbale ride (celle qui sert à donner la pulsation rythmique de base, à marquer le tempo) le premier rôle dans l'accompagnement (rôle que tenait précédemment la grosse caisse chez les batteurs des orchestres des années 1930), ce qui a pour effet immédiat un allègement de la texture rythmique et une pulsation irrésistible en jouant le fameux « chabada » qui caractérisera la batterie jazz jusqu'à aujourd'hui. Et cela contribue à donner une grande lisibilité à son jeu en même temps que de permettre le développement d'une magnifique polyrythmie, dont il est le créateur, en donnant aux caisses un rôle de ponctuation et d'accentuation sans précédent. Les différentes cymbales qui composent un set gagnent beaucoup de liberté dans leur utilisation (le charleston, en particulier) et apportent couleurs et richesse au jeu de batterie. Les musiciens avec lesquels il joue trouvent ainsi un espace supplémentaire pour développer leurs lignes mélodiques.
:super: :super: :super: :super:
Mais je ne suis pas entièrement d'accord.
Le chabada n'est qu'une altération du shuffle utilisé dans le blues début des années 30 je crois. Si je me trompe, je compte sur toi pour éclairer ma lanterne.
Le Shuffle se joue sur le 1er et 3ème triolet de chaque temps.
Le Shabada se joue lui sur le 1er triolet du 1er temps, sur le 1er et 3ème triolet du 2ème temps et on recommence 1er sur le 3ème temps puis 1er et 3ème sur le 4ème temps. Cela crée comme une syncope et casse un peu la « monotonie répétitive » du shuffle.
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Gagl
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par Gagl »

HyperHD a écrit :Mais je ne suis pas entièrement d'accord.
Le chabada n'est qu'une altération du shuffle utilisé dans le blues début des années 30 je crois. Si je me trompe, je compte sur toi pour éclairer ma lanterne.
Le Shuffle se joue sur le 1er et 3ème triolet de chaque temps.
Le Shabada se joue lui sur le 1er triolet du 1er temps, sur le 1er et 3ème triolet du 2ème temps et on recommence 1er sur le 3ème temps puis 1er et 3ème sur le 4ème temps. Cela crée comme une syncope et casse un peu la « monotonie répétitive » du shuffle.
Salut Phil,
Je suis content de lire ta réaction et des explications. Car, tu as raison à propos du chabada : tes précisions rythmiques (qui proviennent certainement d'un batteur qui achète de belles baguettes Tama Oriental Beauty en 7A ;) ) sont parfaitement claires. Et du coup, je me suis certainement mal exprimé. Car, comme tu le dis, Kenny Clarke et Max Roach ne sont pas les inventeurs du chabada. En revanche, ils sont ceux qui, si je ne me trompe pas, ont eu l'idée de génie de la jouer sur la ride plutôt que sur le charleston, voire sur la caisse claire. Cette dernière est alors libre pour l'accentuation sous toutes ses formes ou les relances par exemple ; le charleston marquant alors les temps faibles (2 et 4). J'ai bon ? :rouge:
Modifié en dernier par Gagl le 22 déc. 2012, 18:24, modifié 1 fois.
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par Gagl »

nunusk a écrit : Une des mauvaises raisons qui me donnent envie de me "mettre" au jazz est la qualité des pochettes !!

Que ce soit au niveau graphique ou des photographies, certaines sont tout simplement magnifiques ! Et j'y suis très sensible. Rien que pour ça, faudrait que je me dégote un platine digne de ce nom !!! Ah ah ah !! ::d

En tout cas, bravo à toi pour ce beau travail pédagogique, très instructif pour les ignorants dont je suis :merci:
:merci: :merci: nunusk !
Mais le goût pour les pochettes des disques de jazz me paraît, au contraire, un très bonne raison pour commencer à écouter du jazz ! :) Et faut reconnaitre que les grands labels de jazz savaient y faire en matière de photo et de design de leurs pochettes. Il suffit de penser au duo Francis Wolff (photo) et Reid Miles (design) de Blue Note pour avoir envie de découvrir ce qui se cache dans les pochettes... :)

Quant à la platine, il y a moyen de se faire plaisir sans dépenser une fortune : le fofo saura t'aider si tu en ressens le besoin... :cool:
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par HyperHD »

Gagl a écrit : Salut Phil,
Je suis content de lire ta réaction et des explications. Car, tu as raison à propos du chabada : tes précisions rythmiques (qui proviennent certainement d'un batteur qui achète de belles baguettes Tama Oriental Beauty en 7A ;) ) sont parfaitement claires.
Bonjour Gagl
On ne peut pas vraiment dire que je suis un batteur. J'ai effectivement suivi des cours de batterie avec un ami batteur il y a une vingtaine d'années et joué quelque fois avec des amis musiciens mais je suis vraiment nul autant comme musicien qu'en histoire de la musique. Les baguettes c’est un cadeau pour le fils de mon neveu qui suit des cours de batterie et à qui j'ai donné ma batterie.
Gagl a écrit :Et du coup, je me suis certainement mal exprimé. Car, comme tu le dis, Kenny Clarke et Max Roach ne sont pas les inventeurs du chabada. En revanche, ils sont ceux qui, si je ne me trompe pas, ont eu l'idée de génie de la jouer sur la ride plutôt que sur le charleston, voire sur la caisse claire.
Tu dois sûrement avoir raison, comme je le dis plus haut, je suis complètement nul en histoire de la musique. Tout ce que je sais c'est que le jazz et le rock viennent du blues et que souvent, les chanteurs de blues étaient seuls à la guitare et jouaient leur rythmique eux-mêmes.
Gagl a écrit :Cette dernière est alors libre pour l'accentuation sous toutes ses formes ou les relances par exemple ; le charleston marquant alors les temps faibles (2 et 4). J'ai bon ? :rouge:
:1010: pour le charley, c'est la base. Mais toutes variations sont possibles.
En tout cas, tes posts sont très riches de renseignements, je crois que tout le monde peut de remercier pour ce travail.
Phil :merci: <:)
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zellig
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par zellig »

déjà cité en cours d'année mais en cette période de Noël ,cela peut être une belle idée de cadeau ..
a partir de 65 €

http://fr.yellowkorner.com/artistes/257 ... Wolff.aspx

la qualité,le packaging ,l'encadrement sont très bien . les delais de livraison sont correct (enfin pour noel ça va faire juste ...)
sur le même site d'autre photographe de musiciens jazz ou pas .

http://fr.yellowkorner.com/photos/theme/31/music.aspx

:) :) :)
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shadrap
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par shadrap »

Rrroohhhh non !

Le plus mauvais post pour le porte monnaie... Mais le meilleur pour les papilles :perv:

Fantastique !

Au plaisir de te lire... <:)

Faut dénicher tout ça en vinyl maintenant.
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Gagl
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par Gagl »

:merci: shadrap !
shadrap a écrit :Faut dénicher tout ça en vinyl maintenant.
C'est qu'elle va être exigeante maintenant la belle Garrard dans ses nouveaux atours... :)

<:)
zellig a écrit :déjà cité en cours d'année mais en cette période de Noël ,cela peut être une belle idée de cadeau ..
a partir de 65 €

http://fr.yellowkorner.com/artistes/257 ... Wolff.aspx

la qualité,le packaging ,l'encadrement sont très bien . les delais de livraison sont correct (enfin pour noel ça va faire juste ...)
sur le même site d'autre photographe de musiciens jazz ou pas .
<:) Zell' !
Oui, je me souviens de ce site que tu mentionnais il y quelques mois : les photos de Francis Wolff sont, en effet, de toute beauté, pour ne citer que celles-là ! :merci:
:)
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Gagl
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Re: À propos de jazz : musiciens, disques, éléments de conte

Message par Gagl »

Je terminerai l'année avec, cette fois, un guitariste dont j'ai cité plusieurs albums dans la filière « coup de cœur : jazz, blues » : Grant Green.

S'agissant des musiciens de jaaaaaazz, il me semble que l'on évoque finalement moins les guitaristes (tout comme les bassistes, d'ailleurs) que leurs congénères saxophonistes, trompettistes ou pianistes.

En effet, traditionnellement, les guitaristes, dans le jazz, ne sont pas les musiciens que l'on voit, ou même que l'on entend le plus.
Jusqu'à la fin des années 1930, la guitare fait partie presque exclusivement de la section rythmique des big bands : beaucoup en compte une au côté de la contrebasse et de la batterie. On pense d'emblée à Freddie Green chez Count Basie dont il est un pilier incontournable pendant une cinquantaine d'années (l'orchestre d'Ellington, lui, en fera l'économie).
Pourtant, il convient de mentionner l'illustre devancier Charlie Christian (qui meurt très jeune en 1942), en quelque sorte le père spirituel de tous – ou presque – les guitaristes américains qui lui succèdent. Il sera l'un des premiers à bénéficier de l'amplification (mise au point par Eddie Durham dès 1937, semble-t-il) et à l'exploiter le plus complètement, et à faire de la guitare un véritable instrument soliste dont il tire rapidement toute la quintessence dans le contexte de naissance du be-bop au tout début des années 1940.
Citons aussi d'autres musiciens qui pointent leur instrument au moment où Charlie Christian rangeait le sien pour toujours : Tiny Grimes qui fait les beaux jours du trio de l'immense pianiste Art Tatum entre 1941 et 1944, puis Barney Kessel dès le début des années 1950 (To Swing or Not to Swing en 1955), Herb Ellis avec le trio d'Oscar Peterson entre 1953 et 1958, Kenny Burrell, et bon nombre d'autres encore…
Bref, au début des années 1960, lorsque Grant Green émerge, la guitare a largement atteint le statut d'instrument complet, ce n'est plus seulement un soutien rythmique, c'est désormais un véritable instrument soliste.
Parallèlement, l'Europe, et singulièrement la France, fait aussi de la guitare un instrument soliste avec le plus grand d'entre tous, Django Reinhardt, bien sûr, ou encore le très bon guitariste belge René Thomas.
Voilà, abruptement résumée, l'évolution contextuelle qui précède l'entrée de Grant Green dans le studio de Rudy Van Gelder à la fin des années 1960, lorsque qu'il s'apprête à enregistrer ses premières sessions personnelles.

En 1961-1962, notre guitariste voit sa réputation faite. Il enregistre ce qui, à mon avis, constitue parmi ses plus formidables sessions. Je les ai évoquées à plusieurs reprises, mais que je les cite à nouveau pour rassembler les mentions disséminées dans la filière « Coups de cœur : jazz, blues », les restituer dans leur contexte musical et en faire, en quelque sorte, la colonne vertébrale de ce post. Elles interviennent au début de la carrière discographique de Green.

CD évoqué d'abord ici, puis discuté là

The Complete Quartets with Sonny Clark (2 CD parus en 1997) :
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Voici les trois albums originaux que regroupe ce double CD :

1) Gooden's Corner, enregistré le 23 décembre 1961 (Blue Note, GXK-8168, 1980)
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2) Nigeria, 13 janvier 1962 (LT 1032, 1980)
Pressage US (LT 1032, Blue Note/Liberty records, 1980) :
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Pressage japonais (GXK-8180, Blue Note Japan, 1981)
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3) Oleo, 31 janvier 1962 (GXK 8169, Blue Note Japan, 1980 ; GXF 3065, King Records, 1980)
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Mais avant d'enregistrer ces trois sessions, Grant Green a beaucoup joué, cela dès son jeune âge.
Il naît à Saint Louis le 6 juin 1935 (certaines sources biographiques le font naître en 1931) et s'initie à la guitare dès l'école primaire sous la tutelle de son père, guitariste amateur. Ses progrès sont rapides et il débute vers l'âge de 13 ans et joue avec des groupes de gospel d'abord, puis de rhythm 'n blues, et de blues de sa région.
En résumé, Green expliquait dans une interview donnée au célèbre journal Down Beat : « The first thing I learned to play was boogie-woogie. Then I had to do a lot of rock & roll. It's all blues, anyhow. » Le jazz viendra peu après, Grant est très influencé par les guitaristes Charlie Christian et Jimmy Raney, mais aussi par le ténor Lester Young, et surtout par les solos de Charlie Parker dont il tire l'une des principales caractéristiques de son jeu par la reproduction note à note des chorus du plus fabuleux des altistes.
Ce n'est certainement pas par hasard qu'il enregistrera ses tout premiers titres en 1959 (pour les label Delmark et Argo notamment) avec deux musiciens de rhythm 'n blues originaires de Saint Louis, l'organiste Sam Lazar et le ténor Jimmy Forrest puis avec l'immense bluesman Willie Dixon.

Autrement dit, dès ses années d'apprentissage et ses premiers enregistrements, les différentes composantes de son style particulier sont déjà perceptibles. Tout cela forge la personnalité musicale de Green et concourt à lui faire épouser un courant, un style qui émerge dans les années 1950 et dont l'origine se trouve chez le pianiste Horace Silver, chez Art Blakey ensuite, puis popularisé par Nat et Cannonball Adderley, les pianistes Bobby Timmons et Junior Mance ou le guitariste Kenny Burrell. Ce courant incorpore les éléments rythmiques (accentuation) et mélodiques du blues (par l'utilisation des blue notes) et du rhythm 'n blues, mais aussi des caractères de la tradition du gospel et des work-songs. Ce genre, c'est le funk, le jazz funky. Et Grant Green, c'est le plus funk des guitaristes de jazz.
Ce terme, par conséquent, n'a pas encore l'acception que nous lui connaissons depuis les années 1970 (avec des musiciens aussi divers que George Benson, George Clinton, Grover Washington, James Brown ou des groupes comme Parliament). Le style funk désigne aussi, dans les années 1950 et surtout dans les années 1960, un style parfois aussi désigné par le jazz soul et fait finalement référence à une manière de jouer plus brute, presque plus physique, porteuse d'une pulsation disons… plus organique que le balancement du swing, et plus proche des origines du blues dans le phrasé et l'approche mélodique : il est parfois synonyme d'un jeu dirty, un peu « sale », c'est-à-dire pas trop lisse et policé.
Autrement dit, le style funky tel qu'il faut le comprendre au début des années 1960, c'est exactement ce que l'on peut entendre dans cette version explosive de « It Ain't Necessarily So », l'impérissable thème composé par George et Ira Gershwin (qui figure originellement sur la face A du LP Nigeria mentionné ci-dessus).
Art Blakey y joue un beat marqué et presque rugueux (charley et caisse claire), carré (sur une mesure en 12/8) et bien calé au fond du temps, avec un chabada solide, bien syncopé et à la sonorité presque diffuse (aux antipodes de Max Roach dont je parlais plus haut dans cette filière et qui s'accorde à merveille à l'atmosphère du morceaux) appuyé par la basse ronde et précise de Sam Jones ; Sonny Clark profite de la pulsation pour soutenir et lancer Grant Green et donne au morceau un irrésistible groove assez imparable, notamment grâce à ses chorus dénués de virtuosité gratuite pour se concentrer sur le drive et sur lesquels Green rebondit avec délice, le tout ponctué par quelques exclamations très audibles (de Blakey, assurément : je l'ai déjà entendu faire en concert au New Morning…)
En deux mots, ce titre condense l'énergie du blues et le feeling si présents dans le jeu de Green. Mais cela ne doit pas pour autant occulter son talent tout aussi remarquable pour l'interprétation des ballades et tempos plus modérés dans lesquels il déploie une superbe musicalité et une expressivité reconnaissable.

Lorsqu'on évoque Grant Green, un autre nom vient immédiatement à l'esprit : Wes Montgomery. C'est que les guitaristes américains noirs ne semblent pas légion au début des sixties ; Grant et Wes sont certainement les seuls à s'être fait une place au soleil des solistes, au contraire de leurs contemporains blancs : on pense ainsi à Berney Kessel, Herb Ellis, Jimmy Raney, Kenny Burrell, Jim Hall, Joe Pass ou Charlie Byrd, pour ne citer que ceux-là.
Bien que d'environ 10 ans son aîné, Wes obtient une reconnaissance discographique quasiment au moment où Grant débutait de main de maître comme leader : ce dernier, je l'ai dit, pour Blue Note, l'autre, pour Riverside avec deux magnifiques opus, The Wes Montgomery Trio (en trio avec orgue), puis en janvier 1960, l'un des très grands albums de guitare jazz (et même de jazz tout court), The Incredible Jazz Guitar of Wes Montgomery (avec Tommy Flanagan, Percy et Albert Heath). Mais leur technique et leur style respectifs divergent sensiblement. Wes Mongomery développe une technique basée sur l'emploi du pouce de la main droite plutôt que du médiator et alterne le jeu en single note (note séparée), en accords et octaves, alors que Grant Green reste fidèle au médiator et à la single note, n'utilisant que très peu d'accords. Quant au style, autant Wes est plutôt authentiquement bopper, swing et mélodique, à la sonorité acoustique, à la technique spectaculaire et à la vélocité parfaitement maîtrisée, autant Grant joue plutôt la carte d'une technique plus dépouillée toujours au service de l'émotion musicale, au son plus brut et au jeu plus direct, plus vigoureux où domine le blues, la pulsation puissante, bref, le funk.

Mais alors, comment sont intervenus les débuts de Grant Green ? Un peu par hasard, grâce à l'alto Lou Donaldson qui propose à Blue Note d'enregistrer Grant Green après l'avoir entendu au commencement de l'année 1960 dans un club de Saint Louis.
Grant apporte du sang neuf au prestigieux label : son style modernisé, funky donc, renouvelle l'approche de la guitare, ses idées, son sens de l'efficacité correspondent à une esthétique qui tend à devenir la signature de Blue Note, ce son si caractéristique, et que le label entend populariser.
Dès lors, il s'en suivra une carrière discographique concentrée entre 1960 et 1965 et entamée à l'âge de 24 ans (ou 28, selon les sources), presque exclusivement réalisée sur le label Blue Note dont il est le staff guitarist. Et pas moins de 22 disques enregistrés comme leader durant cette seule période.
Comme souvent dans les grands labels, et chez Blue Note plus qu'ailleurs, lorsqu'un musicien encore peu connu se voit offrir l'opportunité d'enregistrer des sessions sous son propre nom, l'écurie met à la disposition du jeune poulain promu les purs sang de l'écurie : Sonny Clark (piano), Sam Jones (basse), Louis Hayes (batterie), Art Blakey, puis McCoy Tyner (voir ci-dessus), Bob Cranshaw (basse), Elvin Jones (batterie), Bobby Hutcherson (vibraphone), etc. C'est là un principe de fonctionnement que l'on retrouve dans la plupart des grands labels et qui s'applique pour à peu près tous les musiciens de jazz du temps.
Blue Note forme ainsi une sorte de famille de musiciens dont les membres travaillent les uns avec les autres en alternant le nom du leader. Généralement, le dernier arrivé commençait par enregistrer des sessions comme sideman avant d'être leader. Pour Grant, cependant, c'est directement comme leader qu'il intègre l'écurie du label.

Il en va ainsi avec les premiers enregistrements sous son nom, en novembre 1960. Il s'agit de la First Session, apparemment restée inédite jusqu'à leur parution en CD en 2001.
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On y retrouve, derrière Grant Green, Wynton Kelly au piano, Paul Chambers à la basse et Philly Joe Jones aux drums auxquels s'ajoutent Sonny Clark (piano), Butch Warren (basse) et Billy Higgins (batterie) pour deux titres enregistrés en octobre 1961 et regroupés avec cette première session.

Puis Grant's First Stand (BLP 4064), en trio avec « Baby Face » Wilette à l'orgue et Ben Dixon à la batterie, selon une formule que l'on retrouvera assez fréquemment dans les albums de ou avec Grant Green :
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En 1961 toujours, Grantstand (Blue Note BLP 4086) dans lequel on note la participation de Yusef Lateef et de l'organiste Jack McDuff :
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Puis, en avril 1961, cette session en trio de belle facture, Green Street (Blue Note BLP 4071) :
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Une incursion réussie vers le latin jazz avec cet enregistrement d'avril 1962, The Latin Bit (Blue Note BLP 4111) :
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Une session de 1962 à découvrir, avec Herbie Hancock, Reggie Workman (basse) et Billy Higgins (batterie), Goin' West (Blue Note BST 84310) :
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Le maître opus, enregistré le 4 novembre 1963 en compagnie de Joe Henderson (ténor), Bobby Hutcherson (vibraphone), Duke Pearson (piano), Bob Cranshaw (basse) et Al Harewood (batterie), Idle Moments (Blue Note BLP 4154) :
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Deux sessions magnifiques gravées en 1964, déjà évoquées ailleurs – pourtant restées inédites jusqu'en 1979-1980 – avec McCoy Tyner au piano et la superbe section rythmique composée de Bob Cranshaw à la basse et du grand Elvin Jones à la batterie (qui, par ailleurs s'illustre au sein du quartet de John Coltrane) :

Matador (Blue Note Japan, GXF 3053, BRP 8045), cité ici
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Solid (Blue Note LT 990), cité là
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Toujours en 1964 (novembre), Street of Dreams (Blue Note BLP 4253) : retour à l'orgue avec Larry Young.
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Terminons ce rapide tour d'horizon avec un enregistrement au titre emblématique : His Majesty King Funk, réalisé pour Verve, cette fois, en mai 1965 (Verve V6 8627), de nouveau avec l'organiste Larry Young.
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Comme sideman ensuite, des perles à ne pas manquer parmi des enregistrements pléthoriques (Grant Green, par sa position de resident guitarist, est particulièrement prolifique), qui sont autant d'occasions de revenir ou d'aborder des musiciens formidables et de mesurer la large palette diversifiée de musiciens avec lesquels Grant Green travaille, enregistre et porte son style caractéristique à maturité. Il montre d'ailleurs une prédilection pour les organistes, « Baby Face » Wilette, Big John Patton, Larry Young, Jimmy Smith : l'orgue Hammond, très en vogue durant les années 1960, s'accorde particulièrement bien avec la sonorité et le jeu emprunt de blues de Grant Green…

Commençons avec son mentor, Lou Donaldson, avec trois très bon albums :
Here 'Tis (Blue Note BLP 4066, 1961) ; The Natural Soul (BLP 4108, 1962) ; Good Gracious! (BLP 4125, 1963)
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Avec le bouillant ténor Hank Mobley, une véritable pépite, dense et tendue, Workout (Blue Note BLP 4080), en mars 1961 :
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Quelques mois plus tard, en septembre 1961, avec le ténor un peu mésestimé au son ample et suave et bluesy, Stanley Turrentine, Z.T.'s Blues (Blue Note BST 84424), avec Tommy Flanagan (piano), Paul Chambers (basse) et Art Taylor (batterie).
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Avec ce dernier ténor au son chaleureux et fort différent de Mobley, Ike Quebec, Blue And Sentimental (Blue Note BLP 4098, décembre 1961), remarquable réussite avec Paul Chambers et Philly Joe Jones.
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En mars 1963, un superbe enregistrement des débuts de Herbie Hancock, My Point of View (Blue Note BLP 4126), avec la trompette novatrice et inventive de Donald Byrd et l'avant-garde du trombone en la personne de Grachan Moncur III, sans oublier le ténor flamboyant de Hank Mobley, la basse de Chuck Israels (qui a enregistré avec mon chouchou, Bill Evans) et la batterie du météore Tony Williams.
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Encore un petit joyau enregistré en décembre 1963 mais paru seulement en 1999 : Bobby Hutcherson, The Kicker (CD, Blue Note CDP 7243 5 21437-2).
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Avec Lee Morgan, pour l'une de ses meilleures sessions, Search for the New Land (Blue Note BLP 4169, février 1964), avec un superbe casting : Wayne Shorter, Herbie Hancock, Reggie Workman et Billy Higgins.
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Terminons avec cette session méconnue d'Art Blakey and The Jazz Messengers (dans une formation renouvelée), Hold On, I'm Coming (Limelight LM 82038) enregistrée en mai 1966 :
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L'année 1966 clos la période faste et la plus prolifique de l'activité discographique de Grant Green, celle qui correspond à son engagement pour Blue Note (une vingtaine de sessions comme leader ou sideman entre 1967 et 1978, ce qui est peu en comparaison des années 1960-1965). Ces meilleurs enregistrements sont en boîte, mais un certain nombre – et pas les moins bons – reste dans les placards de Blue Note. On peut imaginer qu'Alfred Lion, le génial directeur du label en ait décidé ainsi, sans que la raison soit connu avec certitude. Mais on imagine sans peine que la très grande densité des sessions enregistrées à une cadence très soutenue ait conduit à faire des choix commerciaux. D'ailleurs, Green mourra en janvier 1979 sans les avoir vus dans les bacs des disquaires...

Discographie exhaustive (1959-1978) :
http://www.jazzdisco.org/grant-green/ca ... bum-index/

The Complete Quartets with Sonny Clark :
http://www.discogs.com/Grant-Green-The- ... ter/468039

Les versions de Nigeria :
http://www.discogs.com/Grant-Green-Nige ... ter/425330

« It Ain't Necessarily So » :


Le titre éponyme de l'album Idle Moments :


:)
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